Ce jour-là, j’ai éteint l’ordinateur.
J’avais besoin de prendre mes distances. J’ai pris le temps de regarder mon cellulaire, pour me rendre compte qu’on était dimanche. C’était l’été, j’avais promis d’me reposer. J’espérais profiter de mes vacances. Mais un courriel est v’nu tout changer. De toute façon, c’taient des loisirs sans importance. J’ai r’pris la route au p’tit matin. Il fallait que j’r’vienne à Montréal. J’ai laissé derrière tous mes copains. Une semaine au chalet, c’est pas vital.
Pour moi, le travail, c’est prioritaire. Quand on veut s’bâtir un avenir. On oublie que les amis sont éphémères, quand tout ce qu’on réussît, c’est d’les faire fuirent.
Puis ce soir, je suis tout seul devant mon écran, j’essaie de prouver ma valeur. J’pense pas qu’y ait personne qui m’entend. C’est parce que j’porte mes écouteurs.
Je n’ai jamais vraiment été le meilleur. Mais je sais qu’on dit de moi que je suis vaillant. J’ai appris à me débrouiller pour, finir à l’heure. S’il y a des heures de plus à faire, je suis partant. Puis quand j’vais prendre l’ascenseur. Je sais que le dernier étage est pas loin. Ça ne me servirait à rien d’tomber dans noirceur. Le projet, lui, est dû demain.
Après une grosse journée d’travail, j’retournais à maison. La route était sombre, y faisait noir, j’me suis endormi au volant. Mauvaise idée d’compter les moutons. Il y en a une couple qui ont crissé le camp. Ils en ont même retrouvé su’é balcons.
J’ai ouvert les yeux, tout tordu, à l’envers. L’auto était dans le fausset d’vant la maison. Le moteur fumait, les roues tournaient encore. J‘sentais plus mes jambes, j’avais du sang sur le front. J’respirais encore et en fouillant, j’ai réussi à prendre mon cellulaire. Y a pas à dire, moi j’ai d’la chance. J’suis pas dans un sac mortuaire. J’devrais appeler les secours, et essayer d’sortir de là. J’entends le feu et l’huile qui coule, mais avant faudrait qu’j’avertisse que j’serai pas là d’main.
Et tout seul devant mon écran. Les flammes ont fait fuirent la noirceur. Y a plus personne qui m’entend. Faudrait sûrement couper le moteur.
À l’hôpital, l’infirmière; m’a dit que j’avais été chanceux. Que si j’avais frappé l’lampadaire, ils m’auraient r’trouvé, coupé en deux. J’essayais d’garder mon sourire, et de rester motivé. Le médecin passait au deux jours, y avait jamais de bonnes nouvelles, à annoncer. Il m’a dit que j’marcherais plus. Que j’pourrais pas retravailler. Qu’il fallait voir le bon côté. Que j’m’endormirais plus au volant. J’pensais que l’humour pouvait aider. Mais rire ça’m’faisait mal en d’dans. Moi qui aimais beaucoup ça parler. Maintenant j’communique avec un iPad. Aussi j’me déplace en roulant. Je connais tout le monde, sur l’étage. J’ai une chambre privée juste à moi. Même un salon pour d’la visite. Mais y a personne qui vient m’voir, on m’a dit qu’ils n’ont pas le temps. Pis si j’envoie une invitation, y lisent même plus mes messages.
Et tout seul devant mon écran. Je suis prisonnier de mon malheur. Y a plus personne qui m’entend. Les visites finissent à vingt heure.
Et tout seul devant mon écran. J’sais plus, y est où l’bonheur. Y a plus personne qui m’entend. Y fait donc bin frette dans mon p’tit coeur.
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Notes de bas de page.
Ce texte est avant tout un exercice d’écriture. J’aime varier ma façon d’écrire. Essayer autre chose. Certaines choses s’écrivent mieux que d’autre. Dans ce cas-ci, j’ai testé par moment l’écriture automatique, en essayant de ne pas penser à ce que j’allais écrire, mais bien en laissant les mots se poser les uns après les autres. J’ai réédité un peu après parce que tout ne fonctionnait pas.
Le sujet est sombre, j’en conviens. Ne vous en faites pas, je vais bien. Et je ne conduis pas quand la fatigue m’afflige.
Ceci étant dit, soyez prudent en voiture. Si vous ne pensez pas être en état de conduire, que ce soit par la fatigue, l’humeur, la consommation, même légère, prenez un taxi, appelez un ami.
Musique écoutée pendant l’écriture, à différents moments ; Les Cowboys Fringants, Les Colocs, R.E.M, Chevelle, Our Lady Peace.
MG.