L’Urubu et moi.

9 mois sans faire de vélo…

Le 4 septembre 2021, c’était ma dernière vraie ride à vélo. Après je suis tombé dans un blitz de travail, voyage, ennuis de santé, automne, qui ont fait que j’ai prématurément rangé mon vélo. À quelques reprises, j’ai enfourché le vélo stationnaire, mais sans réelle motivation. Ce qui devait arriver arriva, phrase clichée je sais, mais je deviens dès l’or un « couch potato »! Une pomme de terre de divan. Ça sonne beaucoup plus noble dit comme ça! Dessinez-moi comme une de vos frites françaises. Cette image est horrible, je ne m’en excuse pas. Kate Winslet fait une bien meilleure frite de divan que moi. Vrai! Ceci dit, je n’aurais certainement pas laissé Leonardo DiPatato mourir en prenant toute la place sur mon morceau d’épave. Bref. L’automne, l’hiver et le printemps ont été marqués par une paresse hors pair! Il y a eu un bref épisode de planche à neige, mais ce sera pour une autre fois. Donc, paresse ultime sur 3 saisons. Enfin, jusqu’au moment où les enfants ont éprouvé le désir d’aller jouer au Tennis. Ha! Bien sûr! J’ai enfilé mon meilleur short, mon plus beau chandail, j’avais même un petit « wrist band » en texture de serviette, fort utile pour essuyer la sueur qui allait sans doute couler de mon crâne. Quelques échanges avec le mur plus tard, et dans un magnifique mouvement de glisse pour effectuer un revers digne des plus grands Noms de ce sport, mon genou droit, pas mis au courant qu’on était en mode sport, a abandonné et plié sur le côté.

Chute, douleur et tristesse, je me voyais dans l’obligation de reporter le début de ma saison de vélo. Et comme une fois n’est pas coutume, j’ai répété l’exploit du genou qui plie latéralement, quelques semaines plus tard en me prenant pour un Azzurri en voulant déjouer Luca au soccer.

Chute, douleur et tristesse, je me voyais dans l’obligation de repousser ma saison de vélo, à nouveau.


Quelques semaines ont passé, des semaines marquées par beaucoup de pluie, de vent, d’orages violents. Mais surtout, par le manque de sorties à vélo. Chose à laquelle j’allais remédier en ce matin de juillet. Un beau 9 juillet, juste assez frais, 16 degrés Celsius, 18 ressenti. Peu de vent, un beau soleil sans le moindre nuage à l’horizon. Un matin par-fait.


J’enfilai donc mon cuissard, un short par-dessus, je n’assume pas encore complètement, mon plus beau maillot de vélo, digne des plus grands Giros! J’ai mis mes gants de vélo, le meilleur truc pour éviter les mains engourdit. J’ai pris le temps de bien gonfler mes pneus. Déposé le casque sur ma tête, parce qu’on est jamais trop prudent. Puis, enfin j’enfourchai mon vélo et entamai cette ride! Enfin! Objectif, modeste, 20 kilomètres.

Le premier kilomètre se passa sans aucun problème. Facile direz-vous. Et enfin, c’est pas faux. Puis un premier « Arrêt-Stop », que je ne ferai certainement pas. Ho Non! J’ai mon élan, mon rythme, je me sens merveilleusement bien, ce n’est pas vrai que je vais faire un arrêt, sur une route de campagne très peu passante, où les risques de croiser un véhicule autre qu’un tracteur sont plutôt rares. Puis de nulle part, un véhicule arrive à son arrêt, opposé au mien, et moi je continue à 27-28 km/h et réalise que ce banal véhicule, est un char de police. Trop tard, pour faire mon arrêt obligatoire, puis le policier tourne la tête vers moi, sa fenêtre s’ouvre, et je dois réagir, vite, pense Michel, pense… Je sais. Un éclair de génie, lui, ne sait pas que je n’ai parcouru qu’un Kilomètre. J’embarque alors la 24e vitesse, choc sur la résistance, mes cuisses n’étaient pas prêtent, et je feins alors la fatigue. Je regarde le policier en passant à côté, les sourcils levés, haletants, le souffle court, je plisse les yeux, et force un sourire en guise de salut. Il me sourit alors en retour, lève timidement la main en signe d’encouragement, et repart. Je relève la tête, retourne en 18e vitesse, diminuant la résistance vélo-motrice et repars de plus belle! Ce jeu d’acteur digne d’un des plus grands films à ne jamais avoir vu le grand écran m’a quand même coûté en énergie.

Je continuai tout de même ma route, tout bonnement. Le Soleil commençait tranquillement à faire son effet. Des gouttes de sueur commencèrent à couler le long de mes tempes. 5 kilomètres de fait. On continue. Un autre arrêt se pointait le bout du nez. Puis cette réflexion. Si je fais demi-tour, et prolonge mon trajet dans l’autre direction, je pourrai faire 15 kilomètres, ce sera toujours bien ça. Non. Michel, non, ne succombe pas à la paresse. Je me suis remis à pédaler et j’ai continué ma route pour finalement rejoindre la rue Thomas. Magnifique ligne droite ceinturée de maisons, fermettes et champs. Et c’est là que je l’ai vu. L’Urubu.

Magnifique, malgré la distance, il planait tout bonnement, les ailes majestueusement déployées. Dessinant des cercles dans le ciel, je devinais qu’il avait sans doute repéré un petit gibier dans le champ de maïs. Avec Le Soleil au zénith, son ombre était parfaitement perceptible sur l’asphalte. Puis je réfléchis. Si Le Soleil est au Zénith et que son ombre est sur le bitume parfait de la rue Thomas. C’est qu’il ne tournoie pas au-dessus du champ, mais bien au-dessus de la rue…

C’est donc en observant cette ombre que j’ai parcouru les 2.8 kilomètres de la rue Thomas. Dessinant sans relâche des cercles parfaits en me suivant. Urub, compris que mon niveau d’énergie diminuait à chaque cent mètres. Et patient, il me suivait, moi le gros point rouge, mon chandail est rouge, l’avais-je mentionné? J’étais pour lui un repère sur une map. Facile de suivre cette cible, ralentissant de plus en plus, perdant de la vitesse. Ce fin charognard savait ce qu’il avait à faire. Attendre, attendre que mes réserves d’énergies soient épuisées et que je m’affale sur le bitume brûlant sous Le Soleil de midi. Il ne lui resterait qu’à venir déchirer ma chair cuisant au Soleil, pour probablement se nourrir pour les semaines, et mois à venir. Je pouvais l’imaginer appeler de son cri strident et rauque, des comparses Urubiens. Tous autant affamés que lui. Tous en quête d’un mammifère faible, usé et trop fatigué pour se défendre contre un groupe de Vautours. Un groupe… Avec tout ce que je représente comme quantité de nourriture, c’est certainement une nuée d’Urubus hostiles, carnassiers sans pitié qui viendront m’offrir mes derniers instants. Mais si je dois mourir, que ce soit en repas pour cet affreux volatile aux ailes majestueuses.

Soudain. Un léger dénivelé dans la route me redonna de la vitesse. Profitant de cet élan, et d’un vent favorable, je parvins à reprendre des forces et repartir de nouveau j’arrivai enfin à la fin de la rue, tournai à gauche et perdu de vue l’ombre maudite! Possiblement attiré par une plus petite proie, où le cadavre d’une bernache dans le parc longeant la rue, Urubu s’en alla ailleurs. Et moi, fier je poursuivis ma route. Enfin la chaleur continua de faire son effet, mon énergie s’amenuisa à nouveau et je me résigne à rentrer à la maison. Fort de mon parcours de 18 km. Au fond c’était une pas si mal sortie pour une première en 9 mois. En arrivant près de la maison, fidèle à mon habitude je me levai sur mon vélo et passa ma jambe droite de l’autre côté, pour arriver dans le stationnement debout et simplement descendre du vélo au petit pas de course. Marie-Christine dirait que je fais mon frais. Moi je dirai que c’est simplement comme ma signature de fin de randonnée.

Aussitôt arrivé, en sueur, essoufflé et n’ayant qu’une seule envie, boire de l’eau, je suis tout de même allé porter mon vélo dans la cour arrière. J’ai enlevé mon casque, mes gants puis pour bien finir tout ça, je me suis étendue du tout mon long, sur le dos, dans le gazon frais. Les yeux fermés le Soleil créait cette aura rouge à travers mes paupières. Probablement le seul moment où, même les yeux fermés, nous ne sommes pas plongées dans la pénombre. J’appréciais ce moment d’aveuglement écarlate, le gazon frais faisait du bien et je reprenais lentement mon souffle. Quand soudain le rouge/orange qui tapissait mes paupières devint sombre et retrouva la noirceur qui lui était habituelle. Comme les passages de la lumière à travers les fenêtres d’un train en mouvement, un effet stroboscopique était maintenant présent. J’ouvris donc les yeux pour constater si les nuages venaient gâcher ce magnifique ciel bleu.

Dans une clarté déconcertante, constatant l’infini bleu du ciel, absent de tout Cirrus, Stratus ou Cumulus. Une silhouette occupait le ciel en tournoyant, me regardant cuire lentement. Mon bourreau charognard était revenu, rebonjour monsieur Urubu.